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 Dossier - Mars 2013

Connectique en courants forts


Frank Lemasle - Responsable du développement de l’Assistance Technique Électricité - Groupe Apave Edito

"Le diagnostic des  installations électriques en courants forts"

Dans le domaine des courants forts, notre métier historique est l’inspection des installations électriques en vue d’évaluer leur conformité aux référentiels en vigueur. Nous avons également développé des prestations d’assistance technique pour répondre aux besoins des acteurs concernés qui peuvent être confrontés entre autres à des défaillances de réseaux électriques engendrant des pertes de production.
Apave intervient sur toutes les phases de vie, dès la conception de réseaux électriques aux cotés des bureaux d’études, ingénieries, installateurs. Nous apportons notre assistance à la réception et la mise en service des installations.
Avant la mise sous tension d’une liaison HT, la norme NFC 13200 précise qu’il convient de mener un essai diélectrique afin de s’assurer que le câble et la connectique associée peuvent tenir à la tension de service. Cet essai consiste en une mise sous tension du câble. Sous tension continue, on monte à 4 fois la tension simple sur câble neuf. Compte tenu du risque potentiel de dégradation lors de la mise sous tension, les normes préconisent des essais sous tension alternative à 0,1 Hz. Apave dispose de nouveaux systèmes de tests diélectriques fonctionnant sous 0,1 Hz. Dans ce cas, on ne monte plus à 4 fois la tension simple, mais à seulement 3 fois. Au cours de cet essai, on s’assure que le câble n’a pas été blessé lors de sa mise en place, qu’il n’existe pas de point de faiblesse dans l’isolant. Le défaut peut aussi toucher la connectique : la détection d’un problème sur une tête de câble rend possible l’intervention de l’installateur.
En phase d’exploitation, nos interventions concernent, entre autres, la recherche des causes de dysfonctionnements. Pour les installations BT, en cas de problème de connectique, le courant provoque un échauffement, visualisé avec une caméra de thermographie infrarouge. Sur les équipements HT, une recherche de défauts par ultrasons permet de détecter des problèmes de connexion, la dégradation d’un câble, d’un porte-fusible…. Dans le domaine de l’assistance à la maintenance, nous avons développé des missions de diagnostic sur des équipements tels que transformateurs, machines tournantes, câbles HT… Le diagnostic des câbles HT permet de qualifier, par la mesure de l’angle de perte (Tangente Delta), la qualité de l’isolant et, le cas échéant, d’utiliser la mesure des décharges partielles pour localiser les points de faiblesse, en particulier les défauts de la connectique.
Ces méthodes permettent d’identifier l’état de dégradation des câbles, d’évaluer la criticité, d’envisager leur réparation, voire leur remplacement.

Frank Lemasle
Responsable du développement de l’Assistance Technique Électricité
Groupe Apave

 


Connectique en courants forts


La connectique industrielle en courants forts met en œuvre les techniques de sertissage des cosses et manchons sur les câbles en cuivre : rétreint hexagonal ou poinçonnage profond

cembre 1Vous avez dit « courants forts » ? Ce sont ceux utilisés pour véhiculer l’électricité au travers de câbles de sections comprises entre 0,25 mm² et 1 300 mm² pour alimenter les installations électriques dans tous les secteurs industriels. Certains marchés sont traités en direct. Une part conséquente est réalisée via la distribution spécialisée de matériels électriques, pour une clientèle diffuse : artisans, installateurs, industriels. Il est aussi de grands donneurs d’ordres nationaux qui passent des accords tripartites avec les fabricants et leur distributeur.

 

Quatre acteurs majeurs en France pour la connectique industrielle
mecatraction 2Force est de constater un nombre restreint de fabricants présents en France : Cembre, Klauke, Mecatraction, et TE Connectivity qui lui, est également fournisseur d’ERDF, comme Sicame et Nexans...
Fondée en 1981, Mecatraction est filiale du groupe Sicame qui intervient dans le domaine du transport et de la distribution de l’énergie électrique, depuis la BT jusqu’à la THT. Son siège, son usine de production, ses services commerciaux et administratifs sont centralisés à Pompadour, en Corrèze. « Pour mettre en œuvre nos gammes de cosses de connexions, nous fabriquons nos propres outillages de sertissage… », déclare Philippe Besse, chef de produit, « …au travers de notre filiale Cegers Tools ».


De son côté, Klauke, société fondée en 1879, « est le leader incontesté en Allemagne » d’après Stéphane Weiten, son directeur Achats & Marketing : « nous nous positionnons comme le leader mondial du marché des outillages de sertissage et de coupe ». Outils pour le dénudage des câbles et fils, outils courants (tournevis, pinces coupantes…) destinés aux électriciens (outils isolés 1 000 V), outils professionnels de sertissage et de coupe manuelle, hydraulique, électro-hydraulique sur batterie... Il est aussi des outils polyvalents, tant pour la coupe, le sertissage, le coupe-rail DIN… « Nos accessoires électro-hydrauliques peuvent se monter sur une machine polyvalente », déclare Stéphane Weiten : « alimentés par des accumulateurs Li-ion, ils sont dotés d’une tête pour sertir, couper, perforer, et d’un adaptateur recevant les matrices de sertissage des séries Klauke les plus répandues, de diverses matrices de coupe pour l’aluminium et les conducteurs en cuivre avec ou sans armature… Klauke a été le premier à proposer ce type d’outil polyvalent ». Positionné dans la division Industrie du groupe Textron (40 000 salariés dans le monde), en compagnie de sa société sœur Greenlee, Klauke distribue les produits Greenlee en Europe, tandis que Greenlee distribue Klauke en Amérique. 


mecatraction 4Pour sa part, « Cembre, Construction Electromécanique de Brescia, est un groupe fondé en avril 1969 à Brescia (Lombardie). Il compte 7 sociétés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 M€ », indique Aldo Bottini, directeur du groupe, responsable des ventes, du marketing, du développement des produits, cogérant de la filiale française : « la maison mère est italienne, nos usines se trouvent à Brescia, en Lombardie (Italie) et à Birmingham (Grande Bretagne) ». Philippe Barrier, le DG de la filiale française précise que celle-ci, « créée en 1988, compte aujourd’hui 25 personnes. Elle dispose de son propre SAV à Morangis ». Cembre produit différentes gammes de connecteurs pour différents usages : pour des câbles en basse, comme en moyenne tension, pour les shunts et les réseaux de terre, pour les lignes aériennes nues en cuivre, en aluminium, en alliage d’aluminium utilisé pour les lignes aériennes et en aluminium à âme d’acier, enfin pour des applications spéciales, dans des formes et tailles personnalisées à des fins particulières.

 

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Le procédé RSM pour… la distribution d’énergie HTA

Voici une dizaine d’années est apparue la technique de raccord à serrage mécanique ou RSM. Elle met en œuvre des vis à tête auto cassante. L’utilisation de telles vis fusibles offre la certitude d’appliquer le bon couple de serrage sur le câble. Adopté par ERDF, le procédé permet d’utiliser le même raccord pour toutes les sections de câbles HTA allant de 50 à 240 mm². Un seul raccord RSM remplace 21 « codets » (références ERDF) de manchons sertis par PPE. Le nombre d’outillages est donc réduit considérablement, puisqu’une simple clé à cliquet ou une visseuse électroportative suffit. On réduit en outre le stock qui est dès lors plus structuré. Il n’empêche que la technologie est plus coûteuse.
La technologie RSM coûte certes plus cher que le raccord à sertir des réseaux industriels et requiert des monteurs qualifiés. Toutefois, lors d’un colloque du Sycabel en date du 21 octobre 2011, il a été souligné que « ERDF s’y retrouve du fait de la simplicité de la technologie (une seule référence de raccord, pas de risque d’erreur d’outillage, réduction du nombre de références par famille), de sa facilité de mise en œuvre (pas de mise au rond des âmes sectorales, pas d’outillage lourd à transporter, pas de maintenance d’outillage), par la sécurité qu’elle apporte, par sa fiabilité, et par sa capacité à créer des raccords multisections compatibles avec toutes les âmes de câble ».

 


 


TE connectivity 8Qu’en est-il de TE Connectivity ? « C’est, depuis mars 2011, le nom du groupe auparavant appelé Tyco Electronics. Deux sociétés majeures, AMP fondée en 1941 et Raychem Corporation fondée en 1957, nous ont transmis leur ADN de croissance par l’innovation et l’excellence industrielle  », répond Sébastien Marcaillou, responsable marketing : « forte de plus de 60 ans d’expérience, 3 000 employés répartis sur 15 sites de production et 50 000 produits distribués auprès de plus de 10 000 clients dans 50 pays, la seule division TE Energy réalise un chiffre d’affaires de 0,9 milliard de dollars ». Le site de Gevrey-Chambertin est son centre d’expertise (R&D et fabrication) pour tous les connecteurs à perforation d’isolant (le poinçonnage).
À noter aussi que la sertisseuse UniPress 6/120 de TE Connectivity  vient d’être récompensée par 2 fois lors du salon des Énergies, du confort climatique et de l’eau à Lyon ÉNÉO 2013 pour l'innovation qu'elle représente pour l'utilisateur : facile à utiliser, faible encombrement et poids et sans matrice. « C'est ce que ces 2 prix représentent, "le futur" d'après les membres du jury nous ayant récompensé », souligne Sébastien Marcaillou.

 

Les outils à sertir
La distribution d’énergie dans l’industrie fait largement usage de câbles en cuivre. Pendant très longtemps, une cosse était soudée à l’étain à l’extrémité du câble. Mais le soudage est peu pratique. D’où le passage à la solution vissée adaptée à la petite série.
Au cours des années 50, est apparu le sertissage qui offre la garantie de qualité et de fiabilité. Il est en outre plus rapide à mettre en œuvre : le contact électrique est obtenu par compression d’un manchon servant au raccordement de deux câbles conducteurs ou d’une cosse dont le fût est positionné à l’extrémité du câble. Après avoir été sertie sur le câble, la cosse est fixée sur l’installation électrique, grâce à sa plage de contact percée d’un trou. Certes, le connecteur (cosse ou manchon) est peu coûteux, mais pour l’installer, il faut avoir recours à une matrice spécifique à chaque section de câble. Ceci oblige l’industriel à équiper chacun de ses électriciens d’une presse hydraulique (700 bar) et d’un ensemble de matrices de sertissage adaptées à chaque cosse.
De grandes familles de cosses à sertir coexistent :

  • La cosse pré-isolée couvre des sections de câbles de 0,5 à 6 mm², voire plus. C’est une cosse en cuivre, laiton ou bronze étamé.
  • La cosse non isolée en cuivre étamé, voire en aluminium utilisée au-delà de 6 mm². Ce sont notamment des cosses tubulaires et des cosses constituées à partir d’une feuille de cuivre roulée, puis brasée.
  • L’embout de câble de petite section (le plus souvent jusqu’à 6 mm²) sert au raccordement direct sur des borniers.
  • La connectique de terre est constituée de connecteurs à sertir et de connecteurs à serrage mécanique. Cette connectique présente un design très massif afin de pouvoir résister pendant une fraction de seconde à de fortes surintensités accidentelles apparaissant lors d’un court-circuit ou d’un coup de foudre…

Klauke 11Klauke 12Le sertissage s’effectue à l’aide d’une matrice hexagonale qui épouse la forme circulaire du fût de la cosse et effectue une compression sur toute sa périphérie, engendrant une déformation, et le rétreint du diamètre. « Après sertissage, la cosse est estampée avec l’indication de la section de la matrice utilisée », note Stéphane Weiten (Klauke). « Le sertissage doit être fait sur le fût de la cosse à sertir, sans être trop déporté vers les bords, et se positionner entre la plage et l’extrémité du fût de la cosse », spécifie Pascal Scherrer, technico-commercial chez Klauke : « avec un outil développant une force de 60 kN, le sertissage s’opère souvent en deux passes, la première près de la plage, la seconde près du câble. Si l’on utilise un outil de 120 kN, la matrice hexagonale est plus large, l’électricien ne réalise plus alors qu’un seul sertissage ». La qualité du sertissage peut ensuite être contrôlée par une traction sur les câbles sertis.


cembre 9« Un mauvais sertissage représente un grand risque pour une connexion », estime Philippe Barrier (Cembre), « en raison des problèmes de vibration, d’échauffement ».
Le câble en cuivre s’avère facile à sertir. Il n’en va pas de même de l’aluminium : l’oxyde d’aluminium est isolant. Si l’on comprime le câble, cette compression doit être suffisante pour casser la couche d’oxyde, puis maintenir cette compression pour que l’alumine ne se forme pas de nouveau : le poinçonnage profond répond aux exigences d’une connexion fiable.
Le PPE (Poinçonnage Profond Étagé) est une technologie bien maîtrisée dans laquelle on fait usage d’un poinçon à deux étages pour améliorer le processus de poinçonnage profond. « C’est l’une des meilleures techniques de contact », admet Hervé Weber, directeur technique de Nexans Power Accessories France, « mais elle requiert un grand nombre d’outillages sur le terrain. En l’occurrence, un raccord en aluminium étamé pour chaque section de câble ».
Pour les câbles en aluminium, il est fait usage de cosses en aluminium :
- des cosses tenant jusqu’à 6 000 V pour les réseaux industriels, que l’on rétreint comme les cosses en cuivre,
- la cosse ou le manchon pour réseau EDF, avec un fût un peu plus long, qui donne lieu à un poinçonnage avec une presse de 120 kN au minimum. Le processus répond à la spécification technique EDF : HN 68-S-90 pour le raccordement par poinçonnage profond des câbles isolés à âme en aluminium.


TE Connectivity a développé un outillage pour réaliser du poinçonnage profond acceptant une large plage de sections de câbles : l’opérateur sur le terrain peut alors faire usage de son outil sans aller chercher la matrice hexagonale ou le poinçon adapté à chaque section de câbles. Les poinçons sont en effet intégrés dans l’outil, de sorte que l’opérateur n’a plus affaire qu’à cet appareil unique.
Depuis deux ans, les nouveaux outils disposent d’un capteur de pression intégré qui détermine automatiquement la pression atteinte lors de chaque cycle de sertissage : c’est l’Intelligent Pressing System de Klauke ou encore la gamme Blue Expert de Mecatraction. Les paramètres des cycles de sertissage réalisés sont enregistrés sur une carte mémoire pendant le processus de sertissage. L’outil est ensuite raccordé à un PC pour enregistrer l’historique des opérations et assurer la traçabilité : statut de la machine, nombre de sertissages déjà réalisés, conditions de sertissage. Lorsque des écarts par rapport à la pression normale de travail apparaissent, un signal acoustique retentit en temps réel, tandis qu’un témoin lumineux rouge s’allume.


mecatraction 3Les informations stockées dans la mémoire électronique de cet outil « intelligent » servent bien entendu à la maintenance. On définit à cet effet pour l’outil neuf le nombre maximum de cycles susceptibles d’être réalisés avant de l’envoyer en maintenance ou révision : l’arrêt de l’outil ou les informations visuelles (allumage de LED) permettent de savoir que l’outil a atteint le nombre de cycles maximum autorisé avant une maintenance préventive.


Les accessoires autour de la cosse et du câble
Dès lors que la connexion électrique est achevée, il convient de la protéger, de l’isoler électriquement pour une reconstitution d’isolant. Différents moyens sont disponibles pour mener à bien cette isolation électrique, selon l’utilisation de la cosse.
« Nous avons complété notre gamme, soit par fabrication propre, soit au travers de partenariats, pour intégrer à notre offre commerciale, des accessoires de câblage que l’on retrouve dans le catalogue », note Philippe Besse (Mecatraction), « colliers en plastique pour maintenir les câbles, les assembler ou les fixer sur un support, gaines thermorétractables, adhésifs, boîtes à couler, boîtes gel ou boîtes étanches… dans lesquelles la connexion est mise à l’abri de l’eau ou de l’humidité, de la poussière, et de toutes les agressions extérieures ».
De son côté, 3M a une offre riche de solutions pour les câbles BT et HTA : isolation et protection par rubans adhésifs et produits thermorétractables, identification à l’aide d’étiquettes imprimées, fixation, étanchéité, protection individuelle… « Le rétractable à froid est une technologie de plus en plus demandée notamment par les industriels, en faisant usage de corps en silicone ou en élastomère EPDM », explique Alberic de Menou, responsable Marketing Énergie : « le rétractable à froid ne requiert aucun outillage particulier et enveloppe parfaitement la jonction ou l’extrémité grâce à son élasticité ».

 

Indispensable formation
TE connectivity 10Un mauvais sertissage peut être dangereux : surchauffe, feu… Il ne doit donc pas être sous-estimé. La demande de formation des électriciens au sertissage est de plus en plus importante aux yeux des utilisateurs. On prend en effet moins le temps de former les opérateurs, alors qu’on fait de plus en plus appel à de l’intérim pour ajuster l’effectif aux besoins de l’entreprise. « Nous disposons d’un centre de formation à Gevrey-Chambertin, accrédité Cofrac », commente Sébastien Marcaillou (TE Connectivity). « Nous proposons une formation aux techniques de sertissage » déclare de son côté Philippe Besse (Mecatraction). « On y enseigne les règles de l’art : le choix de la cosse et de l’outil adapté, le respect des règles du métier à mettre en œuvre lors des opérations de sertissage pour garantir la fiabilité du sertissage, les vérifications à entreprendre après le sertissage. Objectif : être sûr que ce qui a été fait est correct ».

Jean-Claude Festinger

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