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 Solution technique - Juin-Juillet 2016

N°85 - Protéger des perturbations les installations « courant faible »


Assurer l’aptitude d’un appareil électrique à fonctionner de façon satisfaisante dans son environnement électromagnétique sans qu’il provoque lui-même de perturbations gênantes pour son environnement : il en va de la compatibilité électromagnétique.

 

em85 ST1em85 ST2em85 ST3Attention ! L’application de la norme n’est pas une garantie d’interopérabilité. Ainsi, la norme NF EN 61000-4-6 (Compatibilité électromagnétique – immunité aux perturbations conduites, induites par les champs radioélectriques) n’est-elle pas trop sévère lorsqu’elle exige une immunité des modems ADSL en environnement d’« industrie lourde » (cas de tous les industriels alimentés par un poste de transformation privée) en mode commun de 10 V, alors que les signaux utiles sont inférieurs au millivolt ? À l’inverse, n’est-elle pas trop laxiste lorsque, pour les équipements de forte puissance (onduleurs, variateurs de vitesse, escaliers mécaniques…), les niveaux d’émission conduite requis dépassent de plus d’un facteur 1 000 les niveaux obtenus pour des courants assignés supérieurs à 100 A par phase ; les équipements voisins, perturbés, imposent le recours au blindage des câbles, à l’ajout d’un chemin de câbles métallique boulonné de bout en bout avec éclisses et transitions entre chemins de câbles et armoires. Mais il suffit d’une rupture de continuité au niveau d’un changement de direction, d’une traversée de paroi ou d’un mur pour perdre cette immunité ! Pire, certains industriels, pour des raisons de tenue aux incendies, scient les chemins de câbles aux traversées de murs afin d’y placer des matériaux réfractaires, sans juger nécessaire de rabouter les chemins de câbles… D’où, les jours d’orage, l’absence d’effet de blindage, le déclenchement de fausses alarmes ou les arrêts intempestifs de l’installation. Bref, en réglant le risque d’incendie, ils déclenchent un problème de CEM !

Les perturbations
em85 ST4em85 ST5« Ce sont toujours des perturbations de mode commun », assure Alain Charoy, président d’AEMC (société de formation et de services en compatibilité électromagnétique) et président de l’Afcem, Association française de promotion de la compatibilité électromagnétique. Selon cet expert, « les perturbations d’un circuit de mode différentiel, ne sont provoquées que par la conversion entre le mode commun et le mode différentiel à cause de la non-symétrie des câbles ou des équipements d’extrémité ». Plusieurs cas de figure sont à considérer :
– les câbles ne sortent pas du bâtiment (cas d’un intranet) : on est alors soumis à des perturbations permanentes ou transitoires, en haute fréquence dues à des événements extérieurs (talkie-walkie), à des perturbations propres au système (alimentation à découpage non filtrée) ou encore à des phénomènes de diaphonie dans les goulottes (lorsqu’elles ne sont pas métalliques ou non reliées de bout en bout) provoqués par un variateur de fréquences particulièrement « sale ». « À ce propos, commente Alain Charoy, les variateurs ne sont conformes à la norme qu’à la double condition de blinder les câbles entre le variateur et le moteur en raccordant le blindage à la masse aux deux bouts et de filtrer le secteur alimentant le variateur. Mais le filtre est malheureusement souvent en option ! À noter aussi que, en présence de plusieurs variateurs dans une même armoire, on peut mettre un filtre commun pour toute l’armoire, solution qui revient moins cher que plusieurs petits filtres. » ;
–  il est aussi des phénomènes intrasystémiques, lorsque l’on provoque une décharge électrostatique générant une erreur non répétitive : on ne s’en rend même pas compte. La plupart du temps, les câbles blindés sont du type FTP (foil-shielded twisted pair) : des câbles blindés par feuillard qui s’opposent aux STP (shielded twisted pair) qui sont des câbles blindés par tresse (métallique). Une tresse est stable et durable dans le temps alors que le câble blindé par feuillard risque d’être blessé plus facilement, ce qui le dégrade définitivement. Il n’existe aucun câble UTP (unshielded twisted pair, câble non blindé, donc non protégé) qui accepte pleinement les perturbations en mode commun, en particulier les transitoires rapides en salves à un niveau de 500 V. On gagne un facteur 3 à 5 avec un feuillard, et un facteur 300 avec une tresse lorsqu’elle est bien mise en œuvre, c’est-à-dire reliée aux deux bouts ;
– pour les câbles externes (téléphone, ADSL…), la grosse menace, c’est la foudre ! « Désormais, nous avons des moyens de protection corrects répondant à des normes, admet Alain Charoy. Il est des normes relatives aux parafoudres (CEI 61643) et des normes de protection des bâtiments et des installations qui s’y trouvent (CEI 62305), mais elles ne sont pas souvent appliquées, sauf dans de grands projets. Il vaut mieux avoir des parafoudres assez peu robustes mais bien installés que des parafoudres très robustes installés sans précaution particulière. Et malheureusement, les précautions particulières (le fait de mettre les parafoudres au secteur et les parafoudres télécoms côte à côte ou à courte distance en les reliant directement les uns aux autres) ne sont pas dans les normes. En particulier, en ville, il y a des quantités de canalisations conductrices enterrées (eau, gaz, tout-à-l’égout…) qui rendent les villes bien équipotentielles, tandis que les longueurs de câbles sont raisonnablement courtes (moins de deux ou trois kilomètres). En revanche, à la campagne, les lignes sur poteaux, à six mètres au-dessus du sol, embrassent des flux magnétiques considérables par rapport à la terre et font antennes aussi bien en champ magnétique qu’en champ électrique : la foudre engendre une brutale variation du champ électrique à basse fréquence, mais qui est intense. D’où des surtensions élevées. Un éclateur suffit généralement, mais s’il est mal installé (disons à plus d’un mètre des protections du secteur), nul n’est protégé. » ;
– il est défavorable de trop éloigner les câbles en courant faible des câbles d’alimentation électrique, sans quoi de grandes boucles sont créées, qui captent le champ magnétique de la foudre les jours d’orage et entraînent des destructions d’interface. Si les câbles étaient côte à côte ou au voisinage les uns des autres, le phénomène n’apparaîtrait pas ! Il faut certes éviter de trop serrer les câbles signaux contre les câbles secteur, mais il suffit de les éloigner de 5 cm, et d’utiliser par exemple des goulottes en plastique avec deux compartiments, l’un pour les courants forts, l’autre pour les courants faibles.

Dans les règles de l’art
Les bonnes règles d’installations se trouvent dans la norme CEI 61000-5-2 : mise à la terre et câblage (1997). Il faut que les réseaux de terre soient maillés, que les chemins de câbles soient boulonnés de bout en bout, que les câbles soient installés dans les chemins de câbles de bout en bout, qu’en l’absence de chemin de câbles on utilise les structures métalliques (IPN ou UPN) pour blinder… On trouve cette norme sur le site du Cern, gratuitement (www.avlib.in/ebook/title/IEC-61000-5-2-ATLAS-CERN-.html).
« En compatibilité électromagnétique, il est encore un tiers des équipements qui ne sont pas conformes », souligne Alain Charoy pour qui les normes sont là pour protéger le client. Mais il est un fait que les constructeurs d’installations basse tension ont besoin de l’aval d’un laboratoire spécialisé en CEM pour tous les équipements branchés sur le secteur, comme ceux alimentés sur batteries. À cela s’ajoute une batterie de tests CEM sur les équipements en courant faible : émission conduite, émission rayonnée, immunité conduite, immunité rayonnée, etc.

Jean-Claude Festinger

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