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 Solution technique - Août-Septembre 2018

N°102 - Limiter les rayonnements électromagnétiques de l’installation électrique domestique ?


L’installation du compteur intelligent Linky est-elle vraiment dangereuse pour la santé humaine ? Alors qu’Enedis a reçu pour mission de poser 35 millions de compteurs et que la communication de données de consommation par courants porteurs en ligne (ou CPL) va engendrer des ondes électromagnétiques. Demain, l’émetteur radio Linky ajoutera ses ondes à celles émises par les autres compteurs intelligents (eau, gaz), générant un nuage radioélectrique voué à s’amplifier avec la 5G.


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Dans ce contexte médiatique, comment ne pas se souvenir de la gaine électrique capable de protéger les bâtiments des ondes électromagnétiques ? Munie d’une couche de graphite et d’un fil faisant office d’antenne, elle a servi à la rénovation de l’hôtel Bristol, à Paris, comme à celle d’un gîte urbain à ossature bois, à Chanteloup-les-Vignes (78). Une réalisation économe en énergie que l’on doit à l’architecte autrichien Hermann Kaufman, lauréat du Prix international d’architecture durable. On retrouve cette gaine anti-rayonnement dans d’autres réalisations urbaines : un immeuble de bureaux, un parc d’attractions de la région parisienne, un appartement de 70 m² à Annecy, etc.

Linky : les risques seraient inexistants
Selon Alain Charoy, expert en CEM (compatibilité électromagnétique), « les risques pour le particulier sont inexistants. L’effet des champs électromagnétiques sur la santé a été étudié par nombre d’experts ; ils n’ont rien découvert ! » Dans l’industrie, par contre, subsistent des risques d’induction continue, près des électrolyseurs essentiellement.
« Le CPL émet des ondes d’amplitude de l’ordre de 1 V, ajoute Alain Charoy pour qui la transmission s’effectue en mode différentiel : le niveau des ondes émises décroît très vite. » Quant au Linky, le fait qu’il soit électronique le rend a priori vulnérable aux perturbations électromagnétiques. Toutefois, les fabricants ont prévu ce risque. « Là où les normes habituelles demandent une immunité de 10 V/m, il est demandé 30 V/m pour Linky. Très difficile à perturber ! À 30 V/m, il engendre moins de 1 % d’erreur. »
Au domicile, le niveau limite d’exposition du public n’est jamais atteint… Des précautions s’imposent en présence de nouveau-né, de seniors et de gens en mauvaise santé. Il n’en va pas de même des personnes en âge de travailler et dans un état sanitaire leur permettant de poursuivre normalement leur travail. « Ce qui explique la différence qui leur est réservée. Pour le champ d’induction magnétique, il y a un facteur 60, c’est-à-dire un écart de 100 µT à 6 mT entre l’exposition limite du public et celle des travailleurs », dit Alain Charoy.
Y a-t-il alors un risque pour le public ? Il y a certes eu, voici une vingtaine d’années, des cas pendables de CEM avec les câbles d’ascenseurs qui captaient les ondes des radios locales, comme avec les échelles de pompiers. Aujourd’hui, les fabricants de cartes électroniques protègent leurs réalisations, et cela fait bien dix à quinze ans que l’on n’a plus entendu parler de ce genre de problème. Pour le public, la limite d’exposition se situe au pire à 28 V/m, contre 61 V/m pour les travailleurs dans les plages de fréquence les plus sévères, c’est-à-dire lorsque le corps humain peut être mis en résonance. Ce type de problème ne se pose pratiquement plus, sauf cas très particulier.
Les équipements électroniques à l’intérieur de la maison sont marqués CE et résistent tous au minimum à 3 V/m. « Aucun risque donc, sauf si l’on prend un talkie-walkie puissant (plusieurs watts) que l’on positionne à moins de 30 cm des équipements électroniques ! »

Malade de l’hypersensibilité électromagnétique
Malgré ces propos rassurants, les associations restent réservées quant aux risques sanitaires des ondes radioélectriques. Elles s’interrogent : « Comment limiter la quantité d’ondes émises par le compteur Linky ? Une seule solution : en le refusant, bien évidemment, suivant le principe de précaution », estime Thierry Mercier, porte-parole de l’association Robin des Toits. Pour sa part, le docteur Wajnsztok, titulaire du diplôme d’université de naturothérapie, ainsi que du diplôme inter-universitaire de santé environnementale, membre du réseau Environnement santé, de la coordination nationale médicale santé environnement, de l’Association nationale Robin des Toits et du centre de recherche indépendant sur les radiations électromagnétiques, admet que les ondes émises par le téléphone portable, la montre connectée, la télécommande, l’ordinateur portable, prises isolément, restent dans les limites fixées par les normes. « Mais une nouvelle notion se répand, à savoir que ce n’est plus la dose qui pose problème, mais le fait que, dans la vie courante, ce sont toutes les associations d’ondes qui peuvent constituer des mélanges détonants. » D’autant plus que l’électrosensibilité n’est pas une maladie simple. « Un jour l’électrosensible a des bourdonnements d’oreilles, des troubles visuels, des problèmes de mémoire… Et un autre jour : des crampes ! Deux personnes pénètrent dans un même endroit, l’une aura des migraines ou des céphalées, l’autre des palpitations. On ne raisonne plus en foie, en cerveau, en cœur, en muscles, mais au niveau le plus intime de l’électron, du noyau qui constitue des cellules. La médecine descend au niveau moléculaire. » Bref, on ne sait pas grand-chose sur les symptômes, mais, à l’évidence, le compteur Linky est le bouc émissaire alors que l’on inonde le marché avec mille autres produits nocifs. Autrefois, c’était le téléphone portable. « Il ne faut pas occulter toutes les autres technologies, qui sont aussi nocives, si ce n’est plus que le compteur Linky. »

La réponse de l’ANSES
« Nous avons adopté un positionnement de prudence sur cette question de l’exposition aux champs électromagnétiques », déclare Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques à l’Anses : « La littérature scientifique met en avant une interaction des champs électromagnétiques avec le vivant. Toute la question est de savoir à partir de quel niveau, il y aurait des populations plus sensibles que d’autres. »
L’Anses a fait un travail d’investigation sur le compteur Linky en s’appuyant sur des mesures réalisées par le CSTB. « Ce qui n’était pas forcément bien identifié et qui s’avère le résultat du CSTB, c’est la dépendance des niveaux d’émission à la charge en bout de ligne. Si on place dans une prise une charge résistive ou une charge capacitive en bout de ligne, on observera des niveaux qui varient de manière importante selon le type d’installation électrique et des appareils branchés dans l’installation. Ces résultats sont importants sur le plan scientifique. Mais sur le plan sanitaire, cela ne change pas grand-chose, puisque l’on est sur des intensités qui sont très faibles. » Il n’est donc pas très inquiet quant à l’intensité des champs émis par les communications CPL. « En revanche, nous avons été surpris par le rythme temporel des communications CPL : on nous avait dit qu’il y aurait à peu près une communication d’une durée d’une minute la nuit pour la transmission de l’index de consommation… En réalité, il y en a plusieurs par minute pour le même compteur. »
Le rapport sur l’hypersensibilité électromagnétique de l’Anses (décembre 2017) fournit des stratégies d’évitement. « Si l’on cherche à blinder un logement, si l’on veut un vrai résultat sur le plan électromagnétique, c’est compliqué ! Dès qu’il y a une petite ouverture, l’efficacité du blindage est réduite fortement ! Nous avons réalisé à cet égard une étude avec le CSTB qui a démontré que certains tissus, certaines peintures ont des propriétés atténuantes du rayonnement. Mais il faut tout revêtir partout, et ne plus accepter la moindre ouverture pour atteindre une efficacité acceptable ! »

Jean-Claude Festinger

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