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 Solution technique - Mai 2019

CEM : éviter d’être perturbé, évitez de perturber !


Aptitude d’un dispositif, d’un appareil ou d’un système à fonctionner dans son environnement électromagnétique de façon satisfaisante et sans qu’il ne produise lui-même des perturbations électromagnétiques de nature à créer des troubles graves dans le fonctionnement des appareils ou des systèmes situés dans son environnement : ainsi en est-il de la compatibilité électromagnétique, ou CEM.



em108 ST 1Les parasites sont parmi nous ! Impossible d’écouter la radio dans de bonnes conditions à proximité d’un moteur électrique en fonctionnement si celui-ci n’est pas muni d’un dispositif antiparasite ! En 1989, le Conseil des communautés européennes émettait la directive 89/336/CEE, l’un des premiers fondements de la réglementation actuelle visant à limiter les perturbations électromagnétiques générées par les installations impliquant des composants électriques ou électroniques. Avec les normes est apparu un vocabulaire spécialisé, comme CEM, pour désigner la compatibilité électromagnétique, ainsi qu’une réglementation dont le signe lisible pour le consommateur est le marquage CE.

em108 ST 2Les laboratoires d’essais CEM
AEMC Lab (groupe Sopemea) forme en France, avec Emitech, le LCIE, MVG, l’essentiel des laboratoires d’essais indépendants traitant de la CEM, sachant que nombreuses sont les entreprises (Schneider Electric, Legrand…) qui disposent de leurs propres moyens d’essais CEM, notamment en liaison avec les nouvelles technologies (objets connectés, télérelevage de compteurs, vélos électriques…).
Selon Vincent Lamaud, responsable d’AEMC Lab, les essais CEM concernent de multiples domaines : « Le secteur médical, le ferroviaire, l’industrie automobile, les industries lourdes (nucléaire…), la défense, l’électrodomestique : PC, disjoncteurs, machines à café, lave-linge, réfrigérateurs, aspirateurs… Il s’agit d’appareils domestiques à haute valeur ajoutée, équipés de moyens de calcul et connectés à une box par Bluetooth, Wi-Fi ou ZigBee… » À cet effet, ce laboratoire dispose de deux grandes chambres anéchoïques pour mener des essais à 3 m, ainsi qu’une CRBM (chambre à réverbération de mode) mise en œuvre pour l’industrie automobile et la défense. S’y ajoute un site en champ libre : la référence pour des mesures à 10 m, d’émissions rayonnées par les produits (souvent électrodomestiques). Tout ceci concourt à la réalisation de mesures à 3 m, à 10 m et à 30 m. « Nous possédons aussi des moyens d’essais pour des mesures en émissions conduites (dans ce cas, le réseau risque d’être perturbé par les équipements), de RSIL (Réseaux stabilisateurs d’impédances linéaires), de moyens d’essais de l’immunité pour analyser le comportement des produits agressés par des ondes électromagnétiques ou atmosphériques (coups de foudre, décharges électrostatiques transitoires rapides). Plus loin, voici les antennes pour créer des champs magnétiques, des alimentations pour générer des microcoupures, des générateurs pour des essais de foudre indirects, des essais transitoires rapides, des essais de décharges électrostatiques. Autant dire de gros moyens voués à la réalisation de campagnes d’essais des produits électrodomestiques, en l’occurrence, tout ce qui se trouve dans la maison, depuis le disjoncteur jusqu’au téléviseur et la box Internet. Tous les produits électriques et électroniques commercialisés qui doivent être conformes aux exigences essentielles d’émission et d’immunité : ils sont assujettis à la CEM et à la sécurité électrique. » Les fabricants apposent ensuite le marquage CE sur leurs produits électrodomestiques appelés à être mis en œuvre dans la cuisine de l’appartement (four, plaque de cuisson, moulin à café, poste radio…), dans le salon (téléviseur, décodeur, lampes ), dans la chambre (la box, le téléphone, ), dans le garage (disjoncteur, automobiles et vélos électriques, tableau électrique, compteur Linky et autres moyens de télérelevage automatique…), dans le jardin (outillage électrique)…

em108 ST 3Consultant en protection foudre
Ingénieur électricien diplômé de l’INPG, Marc Facchinetti a de son côté débuté sa carrière professionnelle dans un organisme de contrôle réglementaire. Voici dix ans, il créait sa propre entreprise près du Bourget-du-Lac (73), Alpcem Ingénierie, avec la volonté de traiter les problèmes liés aux effets de la foudre et à la CEM. Ses prestations d’assistance technique concernent les installations classées pour la protection environnement (ICPE), les établissements recevant du public (ERP), jusque dans le domaine nucléaire, où il intervient sur la compatibilité électromagnétique des installations électriques industrielles et nucléaires. Pour Marc Facchinetti, « il s’agit d’éviter les pertes d’exploitation, la création de rebuts, d’éviter qu’une machine tombe à l’arrêt, empêchant toute livraison aux clients… On fait alors appel à mes services pour diagnostiquer l’existence ou non d’un problème de CEM face aux dysfonctionnements constatés.
« J’utilise le modèle de couplage entre le perturbateur et l’équipement perturbé. Toutefois, il n’est pas aisé de remplacer un équipement industriel perturbé électromagnétiquement par un équipement équivalent immunisé contre les effets électromagnétiques indésirables. »
Ultime solution : agir sur les modes de couplage. Prenons le cas d’un capteur relié électriquement à un automate. Une source électromagnétique induit sur cette liaison une surtension ou une série de parasites électriques. Cette liaison constitue le mode de couplage entre la source et la victime. En recevant les parasites, l’automate peut s’arrêter ou pire, repartir dans une configuration différente qui n’a pas été prévue par le concepteur.
Pour appréhender le problème, il faut adopter une approche haute fréquence : en effet lorsqu’un conducteur de forme ronde est traversé par un courant de haute fréquence, apparaît un phénomène de « peau ». Le conducteur n’évacue plus les perturbations électromagnétiques au réseau de terre et de masse.
Comment lutter contre les perturbations électromagnétiques ? Il faut véhiculer les parasites électriques dans les réseaux de terre et de masse. D’où la nécessité de faire en sorte que les perturbations électromagnétiques (même la foudre) rejoignent la masse terrestre par une belle « autoroute » pour que l’énergie se dissipe dans les masses métalliques, mécaniques et électriques.
« Le problème s’est posé en fin de ligne de production, avec l’apparition de décharges électrostatiques au moment de l’impression de codes-barres sur les produits finis, se remémore Marc Facchinetti. L’imprimante faisait un pont conducteur entre le film plastique, chargé électrostatiquement, et le réseau de terre du bâtiment. Les codes-barres devenaient illisibles, les produits finis ne sortaient plus de l’usine. Il a fallu agir sur deux éléments : raccorder les éléments métalliques de la machine de packaging au réseau de terre et masse du bâtiment, adopter une encre plus isolante. »

Jean-Claude Festinger

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